L’intervention Cog-Fun : exemple de la mise en place de l’approche à travers l’accompagnement de Léonie
Léonie est une jeune fille de 9 ans lorsque je la rencontre avec ses parents. La demande initiale porte sur les difficultés d’écriture, mais lors des échanges, les parents m’expliquent que Léonie manque d’autonomie au quotidien : ils doivent toujours être derrière elle pour ses activités de soins personnels et ses devoirs, elle oublie fréquemment ses affaires, ne range pas sa chambre ou ses affaires, coupe la parole, est sans cesse en demande, peut se mettre rapidement très en colère si elle est frustrée…
À côté de cela, Léonie est une enfant joyeuse, dynamique, câline, pleine d’imagination. Elle fournit des efforts, cherche à bien faire, aime faire plaisir aux autres et en particulier à ses parents.
Léonie a un diagnostic de trouble de l’attention avec hyperactivité (TDAH). Afin d’évaluer les différents aspects du dysfonctionnement exécutif et ses répercussions dans la vie quotidienne, le questionnaire de la BRIEF est proposé aux parents.
Les différents éléments collectés me permettent de proposer l’intervention Cog-Fun aux parents. Cette approche en ergothérapie vise l’amélioration de la participation occupationnelle des personnes présentant un TDAH, en abordant les implications fonctionnelles du dysfonctionnement exécutif dans ce dernier.
A la demande des parents, il est donc convenu de procéder à quelques séances axées sur le graphisme, puis de mettre en place l’intervention Cog-Fun.
La mise en place de l’intervention débute notamment par la fixation des buts préliminaires, ces derniers correspondant aux objectifs initiaux, plus ou moins précis, fixés par les parents. Ces objectifs doivent être en lien avec le déficit exécutif présent dans le TDAH, et nous pouvons guider les parents pour les définir. Concernant les parents de Léonie, voici les buts préliminaires établis :
– ne pas interpeller en permanence
– réussir à aller se coucher quand les parents le demandent
– vérifier si les devoirs sont bien notés dans l’agenda
– ne prendre que le matériel nécessaire à l’école
– ranger après les activités
– ne pas s’emporter aussi vite à table
Pour chaque but, les parents cotent la performance actuelle de Léonie et leur satisfaction en regard de celle-ci.
À travers l’approche Cog-Fun, on va rechercher l’amélioration de la performance occupationnelle via l’acquisition de stratégies exécutives, la mise en place de supports environnementaux, l’amélioration de l’efficacité personnelle de l’enfant et une meilleure compréhension du fonctionnement de leur enfant chez les parents. Pour cela, les parents participent activement à chaque séance.
Prenons l’exemple de la capacité à contrôler, à vérifier ce qu’on fait (« monitoring »). Cette compétence fait partie de nos fonctions exécutives. D’après la BRIEF et les éléments retrouvés dans le quotidien, on peut faire l’hypothèse que cette dernière est déficitaire chez Léonie. En effet, dans la vie de tous les jours, Léonie se montre impulsive, et ne vérifie pas ce qu’elle fait : elle oublie de noter des devoirs dans son agenda, oublie des affaires à l’école, ne vérifie pas si elle a rangé sa table ou son bureau, si elle a bien mis toutes ses affaires dans son cartable… La compréhension du fonctionnement exécutif de l’enfant et de l’impact du TDAH doit être claire pour l’ergothérapeute, afin qu’il puisse fournir une psychoéducation aux parents, et adapter la progression et les défis en fonction des capacités de l’enfant, dans le but d’améliorer son efficacité personnelle.
Une stratégie exécutive spécifique a donc été présentée à Léonie et pratiquée en séance, dans un cadre ludique et sécurisant, jusqu’à ce que Léonie se sente à l’aise et en maîtrise de cette dernière.
En fonction du dysfonctionnement exécutif, la stratégie sera un défi plus ou moins important pour l’enfant. Afin de garantir le succès, il est indispensable que le thérapeute comprenne le défi que représente cette stratégie pour l’enfant.
Une fois cette première étape passée, nous avons progressivement abordé les situations de vie quotidienne problématiques, pour lesquelles la stratégie pourrait aider Léonie. Des outils, tels que le PICME, peuvent être utilisés à cette étape. Cette étape est très importante et peut être source d’anxiété chez l’enfant. Le thérapeute doit la proposer au moment opportun, et utiliser des outils permettant de rassurer l’enfant et de l’engager dans le processus.
À partir de là, Léonie a pu formuler des buts à atteindre, comme vérifier si elle a mis les bonnes affaires dans son cartable le soir, pour aller à l’école le lendemain.
Pour permettre la réussite de cet objectif, il a fallu réfléchir avec Léonie et ses parents aux supports dont Léonie aurait besoin, que ce soit à travers des aides techniques ou un soutien parental. Ces supports sont indispensables pour aider Léonie à transférer la stratégie dans le quotidien (par exemple ici, cela peut être de fournir une liste du matériel à prendre).
À la séance suivante, on échange ensemble sur la mise en place de l’objectif à la maison, afin de revoir les supports si besoin, ou l’objectif en lui-même.
L’approche Cog-Fun doit être adaptée aux compétences de l’enfant. Pour permettre la réussite, l’ergothérapeute doit comprendre le dysfonctionnement exécutif de l’enfant, ses ressources, et les défis que représentent les stratégies, afin d’avoir une progression adaptée à l’enfant. L’ergothérapeute doit également avoir une connaissance approfondie du TDAH et son impact dans les occupations de l’enfant, afin d’apporter une psychoéducation aux parents tout au long de l’intervention.
Cette intervention a fait l’objet de nombreuses publications et est aujourd’hui hautement recommandée dans la pratique des ergothérapeutes à travers le monde (Novak & Honan, 2019 ; Cahill & Beisbier, 2020). Elle nécessite une formation spécifique pour pouvoir en comprendre pleinement les mécanismes sous-jacents et les différentes étapes du protocole.